Viva ou "L'art de donner un chien de sa chienne"

Pourtant, adolescente, je promettais, même si je n'avais pas une très forte carrure. J'ai même eu le premier prix lors d'un petit concours organisé par mon club de dressage (Pardon ! On dit maintenant club d'éducation canine). La coupe que j'ai gagnée trône dans la chambre de mon petit maître, le fils de la maison, tant nous en sommes fiers.

Le caïd du club (rappelez-vous, de mon école), un jeune boxer fauve de quinze jours mon cadet, a été d'ailleurs très dépité... et d'un jaloux, je vous dis pas ! Il a boudé dans son coin et ne m'a plus regardée de la journée, que dis-je de plusieurs jours ! Son maître, non plus, n'a plus daigné parler à ma maîtresse tant ils étaient sûrs d'être les vainqueurs ! C'est vrai qu'il était magnifique : des mensurations parfaites, un port de roi, et vif et obéissant avec ça - vous comprenez tous que moi, je n'étais pas spécialement obéissante lors des cours de dressage, je préférais jouer avec mes camarades plutôt que de marcher sans laisse aux pieds de mes maîtres et de faire tous les exercices demandés ; je rendais fous tous les autres chiens et leurs maîtres ; le maître chien devait intervenir pour calmer tout le monde !- Ce qui m'a sauvé ? Le parcours d'agility, ce fameux parcours avec des sauts d'obstacles à réaliser dans un temps record tout en faisant le moins de fautes possibles : j'ai été la plus rapide et je n'ai refusé aucun obstacle, alors que lui, il a loupé son parcours ; les nerfs ont lâché quoi...

Moi, j'étais super contente ! Vous pensez, pour une fois que ce petit vantard était obligé de baisser la tête ! J'étais vengée de toutes les fois où il m'avait traitée comme une rien de rien sur le terrain aux entraînements !

 

Sept ans après, je revois l'évènement comme si je le vivais à nouveau ! J'arrivais en seconde position après les épreuves de beauté et de dressage, tout juste apès Vasco . Il restait à faire le parcours d'agility. J'étais l'avant dernière à passer. Deux chiens avaient réalisé un parcours sans faute, dans de très bons temps. Mon père était parmi les spectateurs : j'ai tourné la tête vers lui, il me me regardait et l'ai l'ai entendu me dire « Fais-nous honneur ma fille ! C'est du sérieux, là ! Il ne s 'agit plus de s'amuser : écoute bien ta maîtresse et tout se passera bien car tu es la meilleure, j'en suis certain.» . Je savais ma maîtresse en grande forme : elle s'était entraînée pour avoir la force physique nécessaire pour faire le parcours aussi rapidement que moi . Vous savez le rôle des maîtres est essentiel : ce sont eux qui nous indiquent le trajet à suivre et les obstacles à franchir, chaque parcours étant différent des autres. Je savais que, moi aussi, j'étais en forme . Je connaissais par coeur les ordres simples que maîtresse allait me donner : un mot, un ordre à exécuter sans réfléchir et le plus rapidement possible. J'attendais son signal pour démarrer : « Va » : c'était parti ! « Saute » « Droite » « Zig-zag, zig, zag» « Gauche » « Dessous » « Monte, Stop, Va » « Tout droit » « Saute »   « Droite , Droite » « Saute, saute,saute »... tout se passait bien, une coordination parfaite, une entente parfaite. « Grimpe, marche, descend » l'obstacle que je graignais, le plus difficile : un pont avec la seconde partie mobile... Je l'avalais sans problème, j'avais le bon rythme... Le dernier « Saute », la dernière ligne droite, la ligne d'arrivée. Un parcours sans faute, et dans un bon temps me semblait-il. « Au pied , calme » : c'était déjà le salut aux juges et aux spectateurs... et maîtresse qui me disait « Bravo, ma chienne. Très bien ! » et qui me flattait en me donnant des petites tapes affectueuses sur les flancs. J'entendais le « Ouaf » de satisfaction de mon père, et les applaudissements prolongés des spectateurs qui me paraissaient presque irréels. Ce pourrait-il que j'eusse fait le parcours de ma vie ? Un coup d'oeil vers Vasco, qui allait partir... L'air de lui dire « Tu as vu ça ? ». Je crois que c'est à ce moment-là que tout c'est joué !

 

 

suite...